Résumé
La Convention européenne des droits de l’homme reconnaît-elle la conception de la démocratie militante, qui prévoit de mettre en
place des mécanismes de défense active pour éviter que la démocratie et les principes constitutionnels ne soient mis en péril par
LA CONCEPTION DE LA DEMOCRATIE MILITANTE DANS LA JURISPRUDENCE DE LA COUR EUROPENNE DES DROITS DE L’HOMME
Résumé
La Convention européenne des droits de l’homme reconnaît-elle la conception de la démocratie militante, qui prévoit de mettre en
place des mécanismes de défense active pour éviter que la démocratie et les principes constitutionnels ne soient mis en péril par
l’exercice des droits et libertés ? Dans l’affirmative, comment et sur le fondement de quelle(s) disposition(s) de la Convention la
Cour de Strasbourg assure-t-elle la défense de la démocratie et des valeurs démocratiques contre leurs adversaires qui abusent des
droits et libertés fondamentaux ? L’article tente de répondre à ces questions à la lumière de la jurisprudence européenne et pose les limites de la doctrine de la démocratie militante dans le système de la Convention.
INTRODUCTION
La restriction des droits et libertés des adversaires de la démocratie est toujours problématique devant la Cour de Strasbourg. Celle-ci est amenée à approuver ou désapprouver les mesures limitatives de liberté prises au niveau interne pour protéger le système démocratique du pays. Elle se trouve souvent confrontée à la question de savoir comment résoudre le conflit entre la démocratie, qui est « l’unique modèle politique envisagé par la Convention et, partant, le seul qui soit compatible avec elle »[2], et les libertés fondamentales, dont elle est garante. Dans la résolution d’un tel conflit, la conception de la démocratie militante, qui se résume d’une manière générale par la formule « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », apparaît comme un élément important à prendre en considération dans le contrôle de conventionnalité qu’exerce la Cour pour décider de la compatibilité des mesures litigieuses avec la Convention.
L’idée sous-jacente de la doctrine de la démocratie militante est de mettre en place des mécanismes de défense active pour éviter que la démocratie et les principes constitutionnels ne soient mis en péril par l’exercice des droits et libertés. La démocratie est un régime vulnérable et susceptible d’abus et ne dispose pas à l’origine de mécanismes de défense vigoureux et préventifs pour se protéger[3] contre ses ennemis qui veulent la détruire sous prétexte de l’exercice des droits et libertés. C’est la raison pour laquelle elle doit créer sa propre défense contre les actes et activités attentatoires et liberticides. A cet effet, la restriction, voire la déchéance, des droits et libertés fondamentaux peut être justifiée eu égard à la protection et à la survie du régime démocratique et constitutionnel.
La doctrine de la démocratie militante est entrée dans la terminologie juridique par le philosophe allemand Karl Loewenstein, qui dut fuir l’Allemagne pour les États-Unis dans les années 1930. Il écrivit que la démocratie devait être armée pour combattre le fascisme et le nazisme qui pouvaient, en vue de la détruire, utiliser les droits démocratiques et politiques. Pour lui, la démocratie devrait être « militante » et « combative » (fighting democracy) afin d’éviter que « les ennemis entrent dans la ville avec le cheval de Troie ». Elle devrait également être « vigilante » (vigilant democracy) pour connaître et identifier l’ennemi afin de pouvoir le combattre[4].
Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que la doctrine de la démocratie militante a apparu dans les instruments nationaux et internationaux[5], dont les rédacteurs avaient tiré les leçons des expériences du nazisme et du fascisme ainsi que du communisme faisant rage dans toute l’Europe. Pour la première fois, la Constitution de Weimar de la République fédérale d’Allemagne de 1949 a instauré une « démocratie apte à se défendre »[6] contre les activités visant à la suppression du système constitutionnel et démocratique[7]. La loi fondamentale allemande a été suivie par d’autres Constitutions européennes[8], qui adoptent des mesures préventives pour protéger le régime démocratique et constitutionnel contre ses adversaires. La conception de la démocratie militante est donc, à l’origine, une doctrine du droit constitutionnel développée après la guerre en réaction aux régimes du nazisme et du fascisme ayant utilisé la démocratie et les libertés afin de les anéantir.
Dans le système de la Convention, la doctrine de la démocratie militante a été explicitement reconnue lors des travaux préparatoires de la Convention. A ce titre, il n’est pas sans intérêt de rappeler que la Convention a été préparée dans le climat de l’après-guerre et en réaction aux régimes autoritaires. Son élaboration au lendemain de la guerre « constitue une réaction de défense des démocraties européennes contre tout danger potentiel de dictature en Europe »[9]. Les rédacteurs de la Convention souhaitaient faire une rupture « avec les pages les plus noires de l’Histoire »[10] de l’humanité et faire en sorte que l’exercice des droits et libertés qui y sont consacrés ne serve pas de suppression de la démocratie libérale. Les travaux préparatoires de la Convention en témoignent.
En effet, lors de la première session de l’Assemblée consultative relative à l’article 17 de la Convention, le représentant de la Grèce affirma que « [l]a liberté humaine (…) ne doit pas devenir la panoplie d’où ses ennemis pourront librement détacher les armes par lesquelles ils pourront ensuite, en toute liberté, supprimer cette liberté »[11]. Dans le même sens, le représentant britannique Sir David Maxwell-Fyfe mentionna : « Nous ne voulons pas, en faisant preuve de trop de sentimentalisme, donner à des personnes mal intentionnées la possibilité de créer un mouvement totalitaire qui anéantira complètement les droits de l’homme »[12].
Par ailleurs, le discours du représentant turc M. Düsünsel, tenu le 8 septembre 1949 lors de la séance plénière de l’Assemblée consultative, est intéressant car il défendit et justifia manifestement le caractère militant de la démocratie. Il souligna en effet que « si dans un pays démocratique, un jour, quelque parti (…) de tendance nazie, de tendance fasciste, ou de tendance communiste profitant des Déclarations des Droits de l’Homme, (…) fait des tentatives pour écraser la démocratie et en finir avec elle (…), ce pays sera (…) considéré de plein droit comme en l’état de légitime défense de ses droits et de la démocratie »[13].
A cela s’ajoute l’intervention du représentant italien M. Benvenuti, qui proposa l’insertion dans la Convention d’une disposition similaire à l’article 30 de la Déclaration universelle des droits de l’homme[14]. Il indiqua à l’appui de sa proposition qu’« il s’agit d’empêcher que les courants totalitaires puissent exploiter en leur faveur les principes posés par la Convention, c’est-à-dire invoquer les droits de liberté pour supprimer les Droits de l’Homme »[15].
Tout comme les rédacteurs de la Convention, le juge de Strasbourg admet le caractère militant de la démocratie, qui doit être suffisamment « armée » pour se défendre contre ses ennemis. Il appartient au juge européen non seulement d’assurer au niveau européen la protection des droits et libertés garantis par la Convention, mais également d’éviter que l’exercice de tels droits et libertés ne porte atteinte à la démocratie qui représente un élément fondamental de « l’ordre public européen »[16]. Il est conscient qu’assurer la défense de la démocratie signifie promouvoir la Convention et ses valeurs. Si le caractère militant de la démocratie justifie la limitation des droits et libertés, ce n’est pas seulement pour assurer la défense de la démocratie mais également –et paradoxalement– pour protéger les droits et libertés. Les droits et libertés garantis par la Convention ne peuvent en effet être promus et respectés dans « un régime politique véritablement démocratique », comme le précise le Préambule de la Convention. La jurisprudence met souvent l’accent sur l’existence d’un lien étroit entre la Convention et la démocratie, qui est l’unique modèle politique envisagé par la Convention et la seule qui soit compatible avec elle[17]. La juridiction européenne n’omet pas « le contexte historique dans lequel la Convention a été rédigée ». C’est pourquoi elle approuve et accrédite le principe d’une « démocratie apte à se défendre »[18], au vu de l’expérience de l’histoire qu’ont vécue certains pays européens, notamment l’Allemagne. Le « cauchemar du nazisme » ainsi que l’expérience du fascisme et du communisme en Europe justifient la volonté d’instaurer une démocratie militante « apte à se défendre »[19] contre les ennemis, ce pour éviter une répétition de l’histoire douloureuse.
Il n’est donc pas permis, dans le système de la Convention, aux liberticides de bénéficier des droits et libertés conventionnels pour détruire la démocratie. La question qui constitue le fil conducteur du présent article se pose de savoir quels sont les mesures et les moyens envisagés par le juge européen pour protéger la démocratie contre ceux qui veulent la détruire. En d’autres termes, comment et sur le fondement de quelle(s) disposition(s) de la Convention la Cour assure-t-elle la défense de la démocratie et des valeurs démocratiques contre leurs ennemis qui abusent des droits et libertés fondamentaux qui y sont consacrés ?
Dans le système de la Convention, la conception de la démocratie militante se concrétise par l’article 17 de la Convention[20], qui prévoit la déchéance de la protection de la Convention. En faisant jouer cette disposition, la Cour choisit la solution la plus radicale de la conception de la démocratie militante pour assurer la défense de la démocratie et de ses principes (Partie I). En revanche, tout l’exercice des droits et libertés des liberticides ne justifie pas nécessairement l’application de l’article 17 de la Convention, lequel constitue comme une solution non seulement radicale, mais également exceptionnelle. La Cour peut opter pour une solution modérée de la conception de la démocratie militante pour approuver des mesures prises au niveau interne visant à assurer la défense de la démocratie. Dans un tel cas, elle applique les garanties conventionnelles, mais de manière limitée, et tient compte, dans son contrôle de conventionnalité, du danger et de la menace que peut représenter l’exercice des droits et libertés fondamentaux pour la démocratie (Partie II).
Partie I. Une solution radicale de la conception de la démocratie militante : la déchéance de la protection de la Convention
Depuis l’adoption de la Convention, les organes de la Convention sont systématiquement saisis de la question de la limitation des actes et activités contraires à la démocratie. Ceux-ci se présentent sous forme de l’exercice des droits et libertés qui peuvent être limités sur le fondement de la conception de la démocratie militante. Cette conception trouve son origine, dans le système de la Convention, dans le libellé de l’article 17 qui interdit toute activité ou tout acte « visant à la destruction des droits ou libertés reconnus » par la Convention. En effet, le juge Jambrek résume clairement le but de l’article 17 de la Convention : « les exigences de l’article 17 reflètent (…) le souci de protéger la société démocratique et ses institutions »[21]. La Cour confirme la raison d’être de l’article 17 : « On ne saurait exclure qu’une personne ou un groupe de personnes invoquent les droits consacrés par la Convention ou par ses Protocoles pour en tirer le droit de se livrer à des activités visant effectivement à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la Convention ; or pareille destruction mettrait fin à la démocratie. C’est justement cette préoccupation qui amena les auteurs de la Convention à y introduire l’article 17 »[22].
Dans l’affaire Parti communiste d’Allemagne c. République fédérale d’Allemagne, où l’article 17 de la Convention est appliqué pour la première fois, la Commission estime que le parti politique requérant avait pour but d’instaurer, par la voie de la révolution, une « dictature du prolétariat » qui « est incompatible avec la Convention en ce qu’[elle] comporte la destruction de nombre des droits et libertés consacrés par la Convention des Droits de l’Homme »[23]. Peut-on en déduire que le principe de la « démocratie apte à se défendre » et l’article 17 qui en résulte n’ont pas de limites dans le système de la Convention ? En d’autres termes, peut-on soustraire un requérant à la protection de la Convention parce qu’il agi dans le but de détruire la démocratie et les droits et libertés qui y sont reconnus ?
La Commission a affirmé dans l’affaire Lawless c. Irlande[24] que les articles 5 et 6 de la Convention échappaient à la déchéance de l’article 17. Celui-ci, dont le champ d’application est limité aux actes ou activités visant à la destruction de l’ordre libre et démocratique et des droits et libertés énoncés dans la Convention, ne s’appliquait qu’aux droits à la liberté de pensée, à la liberté de la presse et à la liberté de réunion et d’association. Il en ressort qu’un agitateur, qui exerce des activités communistes, fascistes, nationales-socialistes ou, en général, qui a des objectifs totalitaires, peut se prévaloir des droits et libertés prévues dans les articles 5 et 6[25]. La Cour confirme cette position de la Commission et déclare que l’article 17 ne peut être considéré et interprété comme privant toute personne qui cherche à détruire la démocratie de l’ensemble des droits et libertés énoncés dans la Convention[26].
La restriction des droits et libertés selon la conception de la démocratie n’est donc permise que lorsqu’il s’agit des activités livrées ou aux actes accomplis dans le cadre des articles 8[27], 9[28], 10[29] et 11[30] de la Convention. A ces dispositions vient s’ajouter l’article 3 du Protocole n° 1 garantissant le droit à des élections libres[31]. Les États ne sont donc pas autorisés à porter atteinte, en se fondant sur la conception de la démocratie militante, aux droits et libertés intangibles que prévoient les articles 2, 3, 4 et 7 de la Convention, ce même en l’absence de « cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation ». Ils ne peuvent pas s’ingérer non plus dans la jouissance des droits à la liberté et à la sûreté, à un procès équitable et à un recours effectif au sens des articles 5, 6 et 13 de la Convention.
Une fois déterminé le champ d’application de l’article 17 de la Convention, il convient d’examiner comment cette disposition est appliquée aux détracteurs de la démocratie. Depuis l’adoption de la Convention jusqu’à aujourd’hui, l’affaire Parti communiste d’Allemagne est unique en ce qui concerne l’application de l’article 17 aux idées ou activités communistes. En revanche, les organes de Strasbourg ont eu recours à cette disposition sur le fondement du principe de la « démocratie apte à se défendre », notamment lorsque les requérants tiennent des discours racial (A) et négationniste (B).
A. Une « démocratie apte à se défendre » contre le discours raciste
Le discours raciste est une forme de « dégradation » de l’individu et porte atteinte à sa dignité, qui doit être protégée de manière absolue dans le cadre du système de la Convention[32]. Il met également en danger le caractère multiculturel de la société, la démocratie et la paix sociale[33]. La discrimination raciale est systématiquement condamnée à Strasbourg et il est permis aux autorités de l’Etat de lutter au plus haut point contre la discrimination raciale sous toutes ses formes et manifestations[34]. En effet, à l’instar de la Commission, la Cour considère qu’une législation motivée par des considérations raciales constitue en soi un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention[35]. La discrimination raciale, inacceptable dans une société démocratique[36], est une forme de discrimination particulièrement odieuse et, « compte tenu de ses conséquences dangereuses, elle exige une vigilance spéciale et une réaction vigoureuse de la part des autorités. C’est pourquoi celles-ci doivent recourir à tous les moyens dont elles disposent pour combattre le racisme, en renforçant ainsi la conception que la démocratie a de la société, y percevant la diversité non pas comme une menace mais comme une richesse. Un traitement fondé sur l’origine ethnique et la race est inacceptable dans des sociétés démocratiques fondées sur le pluralisme et la diversité »[37]. Il en va de même en ce qui concerne la différence de traitement fondée exclusivement ou de manière déterminante sur l’origine ethnique d’un individu[38].
Pour la juridiction de Strasbourg, les discours fondés sur l’intolérance raciale ne constituent pas des idées défendables dans une société démocratique, mais doivent être punis au regard du droit pénal. Elle affirme en effet que « [l]a tolérance et le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains constituent le fondement d’une société démocratique et pluraliste. Il en résulte qu’en principe on peut juger nécessaire, dans les sociétés démocratiques, de sanctionner, voire de prévenir, toutes les formes d’expression qui propagent, encouragent, promeuvent ou justifient la haine fondée sur l’intolérance (y compris l’intolérance religieuse) (…) »[39].
En présence des discours et actes racistes, la Commission et la Cour ont eu recours, pour protéger la démocratie et ses valeurs, à l’article 17 de la Convention. Ils ont ainsi décidé de la « neutralisation »[40] de certains droits et libertés conventionnels des détracteurs de la démocratie et de déclarer leurs requêtes irrecevables pour incompatibilité ratione materiae avec les dispositions de la Convention. L’article 17 constitue donc une « arme » de la Convention pour assurer la défense et la survie de la démocratie, contre les requérants qui appellent à la haine raciale, qui agissent dans le but de saper le système politique démocratique et pluraliste et qui poursuivent des objectifs racistes ou propres à détruire les droits et libertés d’autrui[41].
En effet, dans l’affaire Glimmerveen et Hagenbeek c. Pays-Bas, l’ancienne Commission a jugé que les requérants ne pouvaient bénéficier de l’article 10 ni de l’article 3 du Protocole n° 1, parce que la politique préconisée par les intéressés contenait manifestement des éléments de discrimination raciale, interdite aux termes de la Convention, et qu’ils cherchaient essentiellement à utiliser les dispositions de la Convention pour fonder un droit de se livrer à des activités qui contribueraient à la destruction des droits et libertés qui y sont prévus[42]. L’application de l’article 17 s’imposait donc en l’espèce. La Commission est parvenue à la même conclusion dans l’affaire Kühnen c. Allemagne portant sur la condamnation d’un journaliste. Celui-ci prônait dans ses publications le national-socialisme et ravivait le sentiment antisémite dans le but de faire légaliser le Parti national-socialiste. La Commission a considéré que le requérant avait utilisé la liberté d’expression pour asseoir des activités contraires à la lettre et à l’esprit de la Convention et pour détruire les droits et libertés qui y sont reconnus[43].
Ce n’est que dans l’arrêt Jersild c. Danemark[44] du 23 septembre 1994 que la Cour a eu l’occasion de se prononcer sur le caractère militant de la démocratie contre les propos racistes. Elle y a précisé que les « blousons verts », qui avaient tenu des propos racistes lors de l’émission du requérant, ne pouvaient se prévaloir de la protection de l’article 10 de la Convention. Malgré cette fermeté manifeste de la Cour à l’égard des idées racistes, l’article 17 de la Convention est absent et semble rester lettre morte dans sa jurisprudence jusqu’aux années 2000. Cela peut s’expliquer par le fait que, avant le Protocole n° 11, la Commission déclarait les requêtes irrecevables et empêchait ainsi les requérants liberticides d’arriver devant la Cour.
Pour la première fois, dans l’affaire W. P. et autres c. Pologne, la Cour a décidé d’appliquer l’article 17 de la Convention aux activités et propos racistes et antisémites. Les requérants se plaignaient, sous l’angle de l’article 11 de la Convention, du refus des autorités internes d’autoriser la formation de plusieurs associations, dont une était nommée « Association nationale et patriotique des victimes polonaises du bolchevisme et du sionisme ». D’après les statuts de cette association, les Polonais étaient persécutés par la minorité juive et il existait une inégalité entre Polonais et Juifs. La Cour s’étonne non seulement des idées qui peuvent passer pour raviver l’antisémitisme mais également de certaines des observations des requérants soumises devant elle qui témoignent de leurs attitudes racistes. Ces éléments justifient de faire jouer l’article 17, dès lors que les intéressés « cherchent essentiellement à utiliser l’article 11 pour fonder sur la Convention un droit de se livrer à des activités qui sont contraires à la lettre et à l’esprit de la Convention, droit qui, s’il était accordé, contribuerait à la destruction des droits et libertés énoncés dans la Convention »[45].
Par la suite, le recours à l’article 17 dans les affaires où la démocratie et ses valeurs sont considérées comme étant en danger se voit multiplié. En effet, deux mois après la décision W. P. et autres c. Pologne, la Cour adopte la même solution dans l’affaire Norwood c. Royaume-Uni[46] où était en cause la condamnation du requérant, membre d’un parti d’extrême droite, au motif qu’il avait montré à la fenêtre une affiche « Islam out of Britain – Protect the British People ». Pour le juge strasbourgeois, l’image et les propos expriment publiquement une attaque envers les Musulmans vivant au Royaume-Uni, une attaque véhémente perpétrée contre une minorité religieuse qui est incompatible avec les valeurs énoncées et garanties par la Convention, notamment la tolérance, la paix sociale et le principe de la non-discrimination. Le requérant ne peut donc pas bénéficier de la liberté d’expression garantie dans l’article 10, car sa requête tombe sous le coup de l’article 17 de la Convention et est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention[47]. La même solution s’impose dans l’affaire Pavel Ivanov c. Russie où la juridiction européenne soustrait les requérants aux garanties de la Convention, car leurs propos antisémites et les attaques qu’ils ont perpétrées contre la communauté juive sont inacceptables et portent atteinte à la démocratie[48].
La juridiction européenne est consciente que les adversaires de la démocratie évitent aujourd’hui d’exprimer le racisme et la xénophobie dans un langage brut et direct, afin de se faire entendre, de ne pas éveiller la vigilance des tenants de la démocratie et de ne pas leur donner la légitimité de limiter leurs droits et libertés. Sur la forme, leurs discours semblent être acceptables dans un régime démocratique, car ils sont tenus sur un mode en apparence conforme aux canons démocratiques, alors que sur le fond, il s’agit de discours dont l’intention raciste est dissimulée. Les liberticides adoptent une nouvelle stratégie qui camoufle leur intention réelle et qui consiste à abandonner le vieux discours raciste, basé sur la hiérarchie des races et la supériorité d’une race sur les autres, et à montrer au public qu’ils s’intéressent aux problèmes de la société tels que l’immigration, la situation irrégulière des étrangers, la criminalité, l’insécurité, l’intégrisme et le terrorisme. Cette « stratégie de déguisement »[49], bien qu’elle rende sa tâche plus difficile[50], n’échappe pas à l’intention de la Cour qui fait preuve d’une vigilance particulière afin de ne pas légitimer un racisme et un antisémitisme dissimulés.
La Cour se penche sur cette « stratégie de camouflage » des discours racistes et xénophobes dans l’affaire Féret c. Belgique du 16 juillet 2009[51]. Président du parti politique d’extrême droite belge, Front national, et député à la Chambre des représentants de Belgique, le requérant a été poursuivi et condamné à une peine de 250 heures de travail public et à l’inéligibilité pour une durée de dix ans, parce qu’il avait incité à la discrimination, à la ségrégation et à la haine à l’égard des étrangers non européens dans des tracts de son parti politique et sur son site Internet. Les déclarations du requérant montrent manifestement l’intention xénophobe et raciste du parti à l’égard des étrangers non européens, camouflée dans des discours politiques pendant la période électorale.
Dans cette affaire, la majorité de la 2e section de la Cour n’est pas tombée dans le piège de l’extrême droite belge. Elle indique que les discours qui diffament, ridiculisent ou injurient une partie de la population ou des groupes spécifiques dans la société doivent être réprimés par les autorités puisqu’ils constituent un danger pour la paix sociale et la stabilité politique dans les Etats démocratiques. En l’espèce, le message des tracts présentait les étrangers non européens « comme un milieu criminogène et intéressé par l’exploitation des avantages découlant de leur installation en Belgique et tentait aussi de les tourner en dérision. Un tel discours est inévitablement de nature à susciter parmi le public, et particulièrement parmi le public le moins averti, des sentiments de mépris, de rejet, voire, pour certains, de haine à l’égard des étrangers ». La majorité considère donc que « [l]e langage employé par le requérant incitait clairement à la discrimination et à la haine raciale, ce qui ne peut être camouflé par le processus électoral »[52].
La conclusion bienvenue de la Cour montre que les propos racistes et xénophobes, même si les auteurs essaient de les rendre « politiquement corrects »[53] et de les montrer, en apparence, comme conformes à la démocratie, ne peuvent échapper à la vigilance du juge européen. Cependant, la question qui se pose est de savoir pourquoi la Cour refuse d’appliquer dans l’affaire Féret l’article 17 de la Convention, malgré la demande expresse du gouvernement belge[54]. L’arrêt n’a pas d’explication convaincante sur ce point, la Cour se contentant de dire que le contenu des tracts incriminés ne justifie pas l’application de l’article 17 de la Convention en l’espèce. Il se peut que la juridiction européenne choisisse la solution modérée (l’application des garanties de l’article 10) plutôt que la solution radicale (la déchéance de la protection conventionnelle en application de l’article 17), car les deux solutions amènent à la même conclusion : la non-violation de la Convention. Il est également possible qu’elle ne juge pas nécessaire d’appliquer l’article 17 de la Convention, puisque, comme l’écrit M. Haarscher[55], les propos de M. Féret sont modérés et ne sont pas « durs », si on les compare aux idées clairement racistes[56].
Tout comme elle le fait à l’encontre des actes et propos racistes, la Cour fait preuve de fermeté à l’encontre des propos négationnistes, dont les auteurs sont déchus de leurs droits et libertés fondamentaux en application de l’article 17 de la Convention, ce pour protéger la démocratie et ses valeurs.
B. Une « démocratie apte à se défendre » contre le discours négationniste
On ne saurait le résumer mieux que le professeur Wachsmann qui écrit que : « la négation du génocide perpétré par les nazis et leurs complices à l’encontre des Juifs fait partie du projet génocidaire lui-même »[57]. Le négationnisme est un « vecteur privilégié de racisme et d’antisémitisme »[58] et en constitue une variante[59]. Le fait de nier les faits historiques attestés par les survivants et condamnés par le tribunal de Nuremberg revient en effet non seulement à innocenter les actes commis par les nazis mais également à les justifier[60]. Le négationnisme se dissimule dans un discours « juridiquement correct » et utilise le langage des droits de l’homme. C’est pourquoi il enferme le juge dans un faux dilemme : celui-ci est confronté, d’une part, à l’importance de protéger les droits de l’homme et, d’autre part, à la nécessité de lutter contre le racisme[61]. Les organes de la Convention sont conscients du danger du négationnisme et ne sauraient ignorer que, comme Alphonso Spielmann l’écrit, la Convention est née à Auschwitz, à Bergen-Belsen, à Birkenau et à Buchenwald[62].
En effet, pour la Commission, il n’était pas question que les négationnistes bénéficient des garanties conventionnelles pour faire valoir leurs idées et actes incompatibles avec les valeurs fondamentales de la Convention, à savoir la justice et la paix exprimées dans son Préambule. Dans l’affaire Glasenapp c. Allemagne, la Commission a en effet affirmé que « si un gouvernement cherche à protéger la prééminence du droit et la démocratie, la Convention reconnaît elle-même dans son article 17 la priorité de cet objectif qui dépasse même la protection des droits particuliers que garantit la Convention »[63]. Par ailleurs, dans l’affaire Remer c. Allemagne[64], elle a considéré que la liberté d’expression n’était pas protégée dans une société démocratique lorsque l’intéressé diffusait « des publications contestant l’extermination des Juifs dans les chambres à gaz des camps de concentration sous le régime nazi et contenant des accusations d’extorsion ».
Cependant, la Commission se montrait parfois réticente quant au recours à l’article 17 de la Convention, qui lui permettait de déclarer la requête irrecevable pour incompatibilité ratione materiae avec les dispositions conventionnelles. Cette réticence, qui existait dans la décision Remer, demeurait également dans l’affaire Nationaldemokratische Partei Deutschlands, Bezirksverband Munchen-Oberbayern c. Allemagne[65], où la Commission souhaitait, tout comme dans l’affaire Remer c. Allemagne, exercer un contrôle de conventionnalité au regard de l’article 10. Bien que jugeant que certains écrits du requérant allaient à l’encontre des valeurs fondamentales de la Convention, elle hésitait à soustraire celui-ci aux garanties conventionnelles en application de l’article 17 de la Convention[66]. Cette solution était retenue aussi dans les décisions Ochensberger c. Autriche[67], Nachtmann c. Autriche[68], B. H., M. W., H. P. et G. K. c. Autriche[69], Walendy c. Allemagne[70], Honsik c. Autriche[71], Rebhandl c. Autriche[72] et D. I. c. Allemagne[73], où la Commission a refusé de retirer aux requérants les garanties conventionnelles en vertu de l’article 17, malgré les propos et les activités des intéressés négationnistes, incompatibles avec la démocratie et ses valeurs[74]. La Commission a mis fin à cette réticence de faire jouer l’article 17 de la Convention dans l’affaire Marais c. France. Elle y a décidé, à juste titre, de déchoir le requérant de la protection de l’article 10 de la Convention, dès lors qu’il remettait en cause, sous couvert d’une démonstration technique, l’existence et l’usage de chambres de gaz destinées à exterminer massivement des humains[75].
En ce qui concerne la Cour, dans les affaires dont elle était saisie jusqu’en 1998, elle n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur le négationnisme et son incompatibilité avec les valeurs de la société démocratique. Ce n’est que dans l’arrêt Lehideux et Isorni c. France[76] qu’elle condamne les idées négationnistes. Elle y assure que celles-ci, à l’instar des idées et activités racistes, échappent à la protection de la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention, dans la mesure où le négationnisme est une forme d’intolérance raciale incompatible avec les valeurs protégées par la Convention[77]. En se référant à l’arrêt Jersild, la juridiction européenne confirme sa position ferme sur la nécessité de protéger la démocratie contre les idées, activités et politiques racistes et négationnistes : « la négation ou la révision se verrait soustraite par l’article 17 à la protection de l’article 10 » et « la justification d’une politique pronazie ne saurait bénéficier de la protection de l’article 10 »[78].
La Cour ne saisit pas l’occasion que lui donne l’affaire Witzsch c. Allemagne pour appliquer l’article 17 de la Convention dans le cas de ce requérant condamné pour avoir tenu des propos négationnistes dans une lettre adressée aux hommes politiques bavarois[79]. Pour la première fois, dans l’affaire Garaudy c. France[80], le juge européen décide, à juste titre, de la déchéance du requérant des garanties conventionnelles au titre de l’article 17 de la Convention et confirme ainsi sa position intransigeante envers le négationnisme. Le gouvernement français a soutenu que le requérant, dont l’ouvrage remettait en cause la réalité de l’Holocauste et l’existence des chambres à gaz, défendait les thèses négationnistes et devait se voir déchu de la protection de l’article 10 de la Convention. Cet argument est retenu par la Cour qui affirme que l’intéressé nie effectivement la réalité, l’ampleur et la gravité des crimes contre l’humanité commis par les nazis envers la communauté juive, faits historiques qui sont survenus pendant la Seconde Guerre mondiale et qui sont juridiquement établis. Pour la Cour, l’ouvrage ne saurait constituer en aucune manière un travail de recherche historique s’apparentant à une quête de la vérité. Bien au contraire, d’après la Cour, le requérant avait pour but de « réhabiliter le régime national-socialiste, et, par voie de conséquence, d’accuser de falsification de l’histoire les victimes elles-mêmes »[81].
Aux yeux du juge européen, le négationnisme équivaut à la diffamation raciale et à l’incitation à la haine contre un groupe ou une race ou une ethnie : « la contestation de crimes contre l’humanité apparaît comme l’une des formes les plus aiguës de diffamation raciale envers les Juifs et d’incitation à la haine à leur égard. La négation ou la révision de faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et sont de nature à troubler gravement l’ordre public ». Dès lors, le négationnisme des actes commis par les Nazis est incompatible avec la démocratie et les droits de l’homme et va à l’encontre des valeurs de la Convention[82].
Par ailleurs, dans l’affaire Witzsch c. Allemagne du 13 décembre 2005, la Cour a recours encore une fois à l’application de l’article 17. En l’espèce, dans une lettre qu’il a envoyée à un professeur d’histoire, le requérant n’a pas nié l’Holocauste ni les chambres à gaz. En revanche, il a nié le fait que Hitler et son parti avaient prévu, lancé et organisé la tuerie des Juifs, considérant ce fait établi de l’Holocauste comme faux et historiquement insoutenable. Pour la Cour, les opinions exprimées par le requérant dans sa lettre relèvent de la propagande de guerre et des atrocités d’après-guerre, combinée avec la négation de la responsabilité d’Hitler et des socialistes nationaux dans l’extermination des Juifs. De telles opinions vont à l’encontre du texte et de l’esprit de la Convention. Par conséquent, l’intéressé ne bénéficie pas de la protection de l’article 10 de la Convention et l’application de l’article 17 est en jeu en l’occurrence[83].
Selon le juge de Strasbourg, le fait de nier et de mettre en cause « une réalité historique attestée par les survivants »[84] et établie par le Tribunal de Nuremberg ne peut être considéré comme une opinion protégée dans le cadre de l’article 10 de la Convention[85]. Pour lui, le négationnisme est « indissociable du racisme »[86], dans la mesure où les négationnistes tentent, sous prétexte de l’exercice des droits et libertés, de justifier les crimes racistes commis par les nazis. Toutefois, lorsque les discours et propos tenus ne font pas partie de la « catégorie des faits historiques clairement établis –tel l’Holocauste– » et ne peuvent passer pour de la négation, il n’appartient pas à la Cour d’arbitrer des questions historiques qui relèvent « d’un débat toujours en cours entre historiens sur le déroulement et l’interprétation des événements »[87] et « il est primordial dans une (…) société [démocratique] que le débat engagé relatif à des faits historiques d’une particulière gravité puisse se dérouler librement »[88].
La déchéance de la protection conventionnelle prévue par l’article 17 n’est pas la seule arme de la Cour pour défendre la démocratie et ses valeurs par l’approbation des mesures prises au niveau interne à cet égard. La démocratie peut également être protégée dans le cadre du contrôle de proportionnalité qu’exerce la juridiction européenne au titre des articles 8 à 11 de la Convention et 3 du Protocole n° 1. La Cour applique, dans un tel cas, une protection limitée de la Convention aux idées et activités susceptibles de menacer et de mettre en danger la démocratie. Il s’agit donc de passer d’un usage « hard » que prévoit l’article 17 de la Convention à un usage « soft »[89] de la conception de la démocratie militante.
Partie II. Une solution modérée de la conception de la démocratie militante : l’application limitée de la protection de la Convention
Il arrive que les actes et les activités des adversaires de la démocratie soient acceptables dans le cadre du régime démocratique et libéral et qu’ils méritent, par conséquent, la protection de la Convention. Le recours à l’article 17 de la Convention, qui prévoit la « déchéance pure et simple »[90] des libertés fondamentales, est une solution exceptionnelle et radicale qui peut être justifiée en cas de force majeure. Le principe est d’appliquer aux requérants des garanties conventionnelles lorsqu’il n’existe pas d’actes et de propos racistes et négationnistes et lorsqu’il n’est pas établi par des preuves suffisantes et convaincantes que les intéressés se livrent à une activité ou accomplissent un acte visant à la destruction de la démocratie et des libertés fondamentales[91].
Cette solution modérée de la conception de la démocratie militante a déjà été retenue par la Commission, qui souhaitait approuver des mesures internes visant à protéger la démocratie sans recourir à l’article 17 de la Convention. En témoignent l’affaire X. c. Autriche[92] du 13 décembre 1963 qui concerne la condamnation du requérant pour des activités néo-nazies et l’affaire Van Wenbeke c. Belgique[93] du 12 avril 1991 portant sur la condamnation du requérant pour ses activités pendant la Seconde Guerre mondiale. En examinant les requêtes sous l’angle des articles 9 et 10 de la Convention et de l’article 3 du Protocole n° 1, la Commission a décidé en effet que les ingérences étaient prévues par la loi et qu’elles poursuivaient un but légitime. Toutefois, compte tenu du danger et de la menace pour la démocratie, elle a conclu que de telles ingérences étaient nécessaires dans une société démocratique.
La Cour retient aussi, dans de nombreuses affaires, cette solution modérée de la conception de la démocratie militante. En effet, elle n’estime pas nécessaire de déclarer les requêtes irrecevables pour incompatibilité ratione materiae en application de l’article 17, mais préfère y appliquer la protection de la Convention. Cependant, elle tient compte, dans son contrôle de proportionnalité, d’éventuels dangers que présentent pour la démocratie et les institutions du pays certains projets politiques, comme l’instauration des régimes totalitaires (A) et certaines activités liées au terrorisme (B).
A. Une « démocratie apte à se défendre » pour empêcher l’instauration d’un régime autoritaire
Le juge Jambrek écrit que « [l]a Convention européenne a été élaborée pour apporter une réponse aux régimes totalitaires qui avaient été mis en place (…) en Europe, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale »[94]. Le rôle du juge européen ne se limite pas à « apporter une réponse aux régimes totalitaires », il lui appartient également d’empêcher, en approuvant des mesures adoptées à cet égard au niveau interne, l’instauration de tels régimes pour protéger la démocratie européenne.
Parmi les régimes jugés incompatibles avec la démocratie et les droits de l’homme figure le national-socialisme[95], dont les adhérents poursuivent incontestablement des actes et objectifs qui visent à détruire la démocratie[96]. Il en va de même en ce qui concerne le fascisme[97]. Quant au communisme, il suffit de rappeler la décision Parti communiste d’Allemagne où la dictature du prolétariat est jugée être un régime incompatible avec la Convention dès lors qu’elle comporte la destruction de nombre des droits et libertés consacrés par la Convention[98].
La raison pour laquelle ces trois systèmes politiques sont considérés comme incompatibles avec la démocratie peut s’expliquer par le fait que la Convention a été rédigée et adoptée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire à une époque ou dans un contexte qui a donné lieu à des réactions et des craintes envers le racisme, le national-socialisme et le communisme. C’est pourquoi la Convention proscrit tout régime dictatorial[99], comme en témoignent les travaux préparatoires de la Convention examinés ci-dessus. Cependant, avec la démolition du mur de Berlin, le contexte politique dans l’Europe a profondément changé et les Etats parties au bloc soviétique sont devenus membres du Conseil de l’Europe et ont signé la Convention. Le niveau des menaces et du danger, pour la démocratie pluraliste, du communisme et des partis communistes en Europe, dont une grande partie n’envisage plus la dictature du prolétariat, est réduit. Cela n’empêche toutefois pas le juge européen d’approuver les mesures adoptées au niveau interne pour éviter la mise en place de l’ancien régime communiste et protéger la nouvelle démocratie de l’Europe de l’Est.
La volonté du juge européen de protéger le nouvel ordre démocratique instauré dans les pays postcommunistes d’Europe contre l’ancien régime communiste totalitaire apparaît pour la première fois dans l’affaire Rekvényi c. Hongrie, qui concerne l’interdiction des membres de la police à s’affilier à un parti politique[100]. Une telle volonté se concrétise dans l’affaire Ždanoka c. Lettonie. Dans cette affaire, la requérante s’est vue interdire de participer aux élections législatives pour avoir joué un rôle actif dans le Parti communiste, lequel était impliqué dans la tentative de renversement par la violence du régime démocratique nouvellement établi. Pour la Cour, cette restriction est justifiée en Lettonie, compte tenu du contexte historico-politique ayant conduit à l’adoption du nouvel ordre démocratique, et de la menace que représente pour la démocratie la résurgence d’idées qui risqueraient de conduire à la restauration d’un régime totalitaire si on les laissait gagner du terrain[101].
La Cour est confrontée, notamment dans des affaires turques, au danger de l’instauration de la charia, régime qui est aussi incompatible avec la démocratie et la Convention. Contrairement au national-socialisme, au fascisme et au communisme, le régime théocratique et le danger qu’il présente pour la démocratie n’étaient pas envisagés par les rédacteurs de la Convention. Cela n’implique toutefois pas qu’il faille permettre aux extrémistes d’instaurer, sous prétexte de l’exercice des droits et libertés, un tel régime. Lorsqu’un tel danger est présent, l’Etat, en se fondant sur la conception de la démocratie militante, « doit pouvoir raisonnablement empêcher la réalisation d’un [tel régime] politique avant qu’il ne soit mis en pratique par des actes concrets risquant de compromettre la paix civile et le régime démocratique dans le pays »[102]. L’intervention préventive des Etats pour protéger la démocratie est leur obligation positive, au titre de l’article 1 de la Convention, d’assurer le respect des droits et libertés des personnes relevant de leur juridiction[103].
La question du danger de l’instauration d’un régime fondé sur les règles religieuses est soulevée dans l’affaire Refah Partisi (Parti de la Prospérité) c. Turquie, qui concerne la dissolution du parti politique Refah par la Cour constitutionnelle turque en raison de ses activités antilaïques. Le juge constitutionnel turc a reproché au parti politique requérant de mener une politique afin d’instaurer la charia en détruisant le système démocratique et laïc en Turquie. Le juge européen, quant à lui, partage l’avis du juge turc et considère que la charia est un régime incompatible avec la démocratie, dès lors qu’un tel système « reflète fidèlement les dogmes et les règles divines édictées par la religion, présente un caractère stable et invariable et se démarque nettement des valeurs de la Convention, notamment eu égard à ses règles de droit pénal et de procédure pénale, à la place qu’il réserve aux femmes dans l’ordre juridique et à son intervention dans tous les domaines de la vie privée et publique conformément aux normes religieuses »[104]. La lapidation, les coups de fouet ou la flagellation et l’amputation des mains sont des traitements autorisés et ordonnés par la loi musulmane, mais incompatibles avec la Convention, fondée sur la démocratie et le respect des droits et de l’homme[105]. Par ailleurs, certains principes de la démocratie, tels que le pluralisme dans la participation politique ou l’évolution incessante des libertés publiques, sont étrangers au régime inspiré de la charia et fondé sur elle[106].
Le caractère militant de la démocratie turque et les mesures prises au niveau interne pour la protéger contre les dirigeants du Refah qui souhaitaient instaurer un régime fondé sur la charia est approuvé à Strasbourg. La juridiction européenne estime qu’il est nécessaire de faire échouer les mouvements totalitaires, organisés sous la forme de partis politiques, dont le but est de mettre fin à la démocratie. Avec l’arrêt Refah, la conception de la démocratie militante prend sa place dans le système de la Convention et devient un principe (feature) du droit européen[107] dont la Cour tient compte lors de son contrôle de conventionnalité. Le juge strasbourgeois se montre sévère envers les partis politiques extrémistes, lorsqu’il affirme qu’ils ne peuvent se prévaloir de la protection de la Convention s’ils proposent un projet politique qui ne respecte pas la démocratie ou qui vise à la destruction de celle-ci ainsi que la méconnaissance des droits et libertés qu’elle reconnaît[108].
Toutefois, tous les projets politiques proposés par des formations politiques et incompatibles avec les principes constitutionnels et la structure unitaire et laïque de l’Etat n’impliquent pas nécessairement qu’ils soient également incompatibles avec la démocratie telle que conçue par la Convention et la Cour de Strasbourg[109]. Celle-ci examine l’ensemble des circonstances de la cause, notamment les statuts, le programme et les activités des partis politiques pour déterminer s’ils se prévaudraient de la Convention pour se livrer à une activité ou accomplir un acte visant à la destruction de la démocratie et des droits et libertés qu’elle reconnaît[110]. Il ressort également de sa jurisprudence que la Cour se sert de certains critères lui permettant d’approuver ou de désapprouver des « mesures militantes » prises en droit interne pour protéger le régime démocratique face au danger et à la menace de l’instauration d’un régime autoritaire. Quels sont ces critères ? Sont-ils alternatifs ou cumulatifs pour la justification de la restriction des droits et libertés politiques eu égard à la conception de la démocratie militante ?
Le premier critère consiste à examiner le système politique lui-même. Celui-ci, qui risque d’être instauré dans un pays membre du Conseil de l’Europe, doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux. Tel n’est manifestement pas le cas pour les régimes comme le national-socialisme, le fascisme, le communisme basé sur la dictature du prolétariat et la charia. Il en va autrement s’agissant de la monarchie constitutionnelle telle qu’elle est instaurée dans certains pays européens où le roi ou la reine occupe une position institutionnelle. La Cour souligne néanmoins que les principes qui se dégagent de sa propre jurisprudence en matière de démocratie et de régime républicain sont en théorie valables aussi en ce qui concerne un régime monarchique[111].
Le deuxième critère concerne les moyens utilisés pour atteindre l’objectif consistant à supprimer la démocratie. D’après la Cour, ceux-ci doivent être légaux et démocratiques. En d’autres termes, le requérant ne doit pas recourir ou inciter au recours à la violence, qui est inadmissible dans une démocratie fondée sur le respect des droits de l’homme. Ces deux premiers critères se complètent, comme le précise la Cour dans l’affaire Linkov c. République tchèque. Elle y indique que le changement de la législation en matière de rétroactivité de la peine sans recourir à la violence n’est pas incompatible avec les principes démocratiques fondamentaux[112]. Dans le même sens, dans l’affaire Zhechev c. Bulgarie, la Cour considère que la monarchie, telle que défendue par l’association, et une campagne en faveur d’un changement de l’ordre juridique et constitutionnel ne sont pas en soi incompatibles avec les principes de la démocratie, à moins que les moyens pour atteindre ces buts soient violents et non démocratiques[113]. La combinaison des deux critères est également soulignée dans l’arrêt Gündüz c. Turquie où la Cour déclare que le simple fait de défendre la charia, sans en appeler à la violence pour l’établir, est admissible dans le cadre de la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention[114].
Le troisième critère porte sur l’existence d’un danger tangible et imminent pour la démocratie et ses institutions. Le danger doit être non seulement réel, mais également suffisamment proche, une simple suspicion n’étant pas suffisante pour justifier la restriction des droits et libertés au nom de la protection de la démocratie. Cette condition peut être constatée dans l’affaire Refah Partisi. En se référant aux élections législatives tenues en 1995, aux élections municipales de novembre 1996 et aux sondages, la Cour conclut que le parti politique avait, au moment de la dissolution, un potentiel réel de s’emparer seul du pouvoir politique et cela lui aurait permis d’établir le modèle de société qu’il envisageait. Dès lors, les chances réelles qu’avait le parti politique requérant de mettre en application son programme à la suite de son accès au pouvoir donnaient un caractère plus tangible et plus immédiat au risque d’instaurer la charia dans le pays[115].
Le dernier critère qui est lié au troisième consiste à déterminer le pouvoir de changer le régime politique démocratique en instaurant un régime incompatible avec la démocratie. Il convient de constater cette condition dans l’affaire Gündüz c. Turquie, où le requérant avait été condamné pour avoir défendu l’instauration de la charia en Turquie, comme c’était le cas dans l’affaire Refah Partisi. Cependant, la Cour fait une distinction entre les deux affaires, soulignant qu’à la date de sa dissolution le parti politique Refah disposait, contrairement à M. Gündüz qui était un simple individu, d’un potentiel réel de s’emparer du pouvoir politique pour mettre en place un régime fondé sur la charia[116].
La restriction des droits et libertés fondamentaux sur le fondement de la conception de la démocratie militante ne peut être justifiée au regard de la Convention que lorsque les éléments examinés ci-dessus sont réunis. L’action préventive de l’Etat pour protéger la démocratie et pour éviter l’instauration d’un régime autoritaire peut ainsi être jugée légitime. La Cour l’indique clairement : « on ne saurait exiger de l’Etat d’attendre, avant d’intervenir, qu’un parti politique s’approprie le pouvoir et commence à mettre en œuvre un projet politique incompatible avec les normes de la Convention et de la démocratie »[117]. Lorsque les mesures concrètes visant à réaliser ce projet sont adoptées et que le danger pour la démocratie est suffisamment démontré et imminent par les autorités, l’intervention de l’Etat est jugée justifiée.
En revanche, lorsque ces conditions ne se trouvent pas réunies, le recours à la démocratie militante pour restreindre les droits et libertés fondamentaux n’est pas justifié au regard de la Convention. Cela peut être le cas pour la déchéance automatique du mandat parlementaire des députés élus[118], la dissolution[119] et le refus d’enregistrement des partis politiques[120] et des associations[121], des atteintes à la liberté d’expression[122] et à la liberté d’association[123] et le refus de la candidature pour les élections[124].
La conception de la démocratie militante se manifeste traditionnellement dans les discours de haine, racistes et négationnistes et dans des tentatives d’instauration des régimes autoritaires. Aujourd’hui, elle est considérée comme un des motifs pour justifier la restriction des droits et libertés dans la lutte contre les mouvements radicaux, notamment des partis politiques et leurs activités[125]. Depuis les attaques du 11 septembre 2001, la conception de la démocratie militante apparaît de manière de plus en plus fréquente dans la jurisprudence de la Cour pour justifier la limitation des droits et libertés des personnes ou regroupements liés au terrorisme.
B. Une « démocratie apte à se défendre » pour empêcher la menace du terrorisme
Dans le système de la Convention, il est permis aux autorités de limiter les droits et libertés fondamentaux pour protéger la démocratie contre le danger du terrorisme, dès lors que celui-ci menace en permanence la société, les institutions démocratiques et les droits et libertés fondamentaux. Les Etats se doivent de sanctionner des actes de terrorisme et d’adopter, dans le respect des principes de la démocratie et de l’État de droit, des mesures spécifiques pour les prévenir. Toutefois, ils ne disposent pas d’un pouvoir illimité et ne peuvent échapper au contrôle judiciaire effectué à Strasbourg. Le contrôle de la Cour consiste à déterminer si les mesures adoptées par les autorités nationales dans la lutte contre le terrorisme et la restriction des droits et libertés fondamentaux qui en résulte sont justifiées au regard de la Convention. Il s’agit de mettre en balance les intérêts concurrents que constituent la lutte contre le terrorisme et le respect des droits et libertés. La question de savoir de quel côté penche la balance dépend notamment de la liberté en question, de l’intensité de la menace et de la vulnérabilité des institutions démocratiques face au danger du terrorisme.
La Cour admet le caractère militant de la démocratie dans la lutte contre le terrorisme, même si l’ordre constitutionnel du pays ne reconnaît pas le modèle de « démocratie militante »[126]. En effet, dans l’affaire Klass et autres c. Allemagne, elle souligne que compte tenu du « développement du terrorisme en Europe au cours des dernières années » et de ses menaces pour les sociétés démocratiques, l’État « doit être capable, pour combattre efficacement ces menaces, de surveiller en secret les éléments subversifs opérant sur son territoire »[127]. La volonté de la Cour de protéger une « démocratie est apte à se défendre » contre le terrorisme est donc sans équivoque.
En matière de liberté d’expression, la Commission a approuvé aussi les « mesures militantes » adoptées au niveau interne pour assurer le régime démocratique contre le terrorisme[128]. Elle a affirmé : « La victoire sur le terrorisme constitue un intérêt public de toute première importance dans une société démocratique [car il a pour but] de renverser le régime démocratique qui garantit cette liberté et les autres droits de l’homme »[129]. En la matière, la Cour confirme que la liberté d’expression ne doit pas servir de tribune de transmission des thèses et déclarations des terroristes[130].
Dans les affaires relatives à la dissolution des partis politiques, la Cour cherche récemment s’il existe des liens entre les organisations terroristes et les partis politiques. En effet, dans l’arrêt Batasuna et Herri Batasuna c. Espagne, elle approuve la décision de dissolution des partis politiques Batasuna et Herri Batasuna au motif que leurs projets politiques, leurs activités et leurs liens étroits avec l’ETA constituaient un danger important et une menace pour la démocratie espagnole. Pour la Cour, les partis politiques qui « représentent une forme d’association essentielle au bon fonctionnement de la démocratie »[131] doivent non seulement se désolidariser avec le terrorisme et mais également condamner les actes terroristes. Il ne faut pas que leurs actes et discours constituent un ensemble donnant une image nette d’un modèle de société conçu et prôné par le parti et qui serait en contradiction avec le concept de « société démocratique »[132].
Dans la lutte contre le terrorisme, la Cour a recours à certains éléments pour déterminer si la dissolution des partis politiques et la restriction des actes et discours politiques sont justifiées au regard de la conception de la démocratie militante. Tout d’abord, comme il est indiqué ci-dessus, elle vérifie l’existence de liens avec l’organisation terroriste, liens qui doivent être étroits et considérés objectivement comme une menace pour la démocratie[133]. En l’absence de tels liens, la restriction des activités politiques n’est pas justifiée[134]. Elle recherche également la responsabilité des requérants pour les problèmes que pose le terrorisme dans le pays[135]. L’évolution historique et le contexte politique du pays sont deux autres éléments importants à prendre en compte dans le contrôle de conventionnalité. Dans l’arrêt Batasuna et Herri Batasuna, la Cour juge en effet que « la situation existant en Espagne depuis de nombreuses années concernant les attentats terroristes, plus spécialement dans la « région politiquement sensible » qu’est le Pays basque »[136], justifie la dissolution des partis politiques. Par ailleurs, dans l’affaire Zana c. Turquie, elle estime nécessaire d’examiner « la teneur des propos du requérant à la lumière de la situation qui régnait à cette époque dans le Sud-Est de la Turquie »[137].
Enfin, la personnalité de l’auteur et l’impact des discours et des activités sur la situation jouent aussi un rôle important pour établir si la démocratie et les institutions démocratiques sont menacées[138]. En revanche, contrairement aux affaires relatives à l’instauration des régimes autoritaires, la Cour ne tient pas compte du caractère réel et imminent du danger du terrorisme pour la démocratie, dès lors que les actes terroristes constituent en soi une menace permanente pour le régime démocratique et qu’ils ont pour but de le déstabiliser pour instaurer la peur et la violence dans la société.
CONCLUSION
La limitation des actes et activités qui menacent et mettent en danger la démocratie dans des pays marqués par les expériences du nazisme, du fascisme, du communisme, du système théocratique et du terrorisme est justifiée au regard de la posture de la « démocratie apte à se défendre ». Lorsque des actes et activités sont jugés racistes et négationnistes, l’article 17 de la Convention trouve, comme expliqué ci-dessus, à s’appliquer. Dans un tel cas, il n’est pas question de contrôler la proportionnalité de la mesure par rapport aux buts légitimes poursuivis et de mettre en balance les intérêts individuels et publics, puisqu’il s’agit de la déchéance totale de la liberté. C’est pourquoi Jean-François Flauss qualifie l’abus de droit au sens de l’article 17 de « guillotine »[139]. Par ailleurs, les Etats ne sont pas tenus de prouver que l’ingérence était « prévue par la loi », poursuivait un des buts légitimes et était « nécessaire dans une société démocratique », comme l’exige le second paragraphe des articles 8 à 11 de la Convention. La marge d’appréciation n’est pas à avancer non plus par les Etats défendeurs pour justifier la restriction des droits et libertés fondamentaux. Il n’y a pas lieu de chercher si le danger et la menace que présentent les actes ou activités racistes et négationnistes sont proches ou imminents pour la démocratie, puisque des actes ou activités racistes et négationnistes sont par nature inacceptables dans la démocratie et constituent des délits punissables au regard du droit pénal. Par ailleurs, en cas d’application de l’article 17 de la Convention, seuls le contenu et le but des discours, des actes ou des activités sont examinés par la Cour, les autres éléments, tels que la personnalité de l’auteur, l’effet de ses actes sur le public et le contexte politique et historique du pays sont exclus du contrôle de conventionnalité.
Cependant, pour la Cour, la déchéance de la protection conventionnelle sur le fondement de l’article 17 est une solution radicale qu’il ne faut prévoir que dans des circonstances exceptionnelles. Comme l’écrit Françoise Tulkens, l’article 17 « pourrait être le prétexte des pires abus »[140] de la part des autorités internes[141]. Il faut donc éviter « l’abus de recours » à « l’abus de droit » sur le fondement de l’article 17, dès lors que, sous prétexte de protection de la démocratie, il est possible d’interdire toutes les activités politiques adverses pour préserver l’opinion unique de l’Etat ou du gouvernement au pouvoir. Cela risque non seulement de porter atteinte au pluralisme dans la société et mais également d’aboutir à l’instauration d’un régime véritablement autoritaire qui ne tolère pas les différences. Il est en effet possible que la protection excessive de la démocratie en vienne à supprimer même la démocratie elle-même. C’est pourquoi les mesures adoptées en droit interne pour protéger la démocratie contre les liberticides doivent être légales et respecter les règles démocratiques. Le recours aux moyens antidémocratiques et illégaux n’est pas admis et doit être considéré comme un acte arbitraire de l’Etat.
Lorsqu’il s’agit du danger de l’instauration d’un régime autoritaire et de la lutte contre le terrorisme, la pérennité de la démocratie a des effets sur le contrôle de proportionnalité de la Cour[142]. La Cour est amenée à trouver une juste conciliation entre les impératifs de la défense de la société démocratique, d’un côté, et ceux de la sauvegarde des droits individuels, de l’autre[143]. Le principe de proportionnalité est donc au cœur de l’idée de la démocratie militante qui apparaît dans la jurisprudence de la Cour comme une justification de la limitation des droits et libertés fondamentaux[144]. Lorsqu’il existe une menace réelle et imminente pour la démocratie, la balance penche du coté de la démocratie et les intérêts du public priment sur celui de l’individu. Par ailleurs, l’Etat se voit reconnu une marge d’appréciation large et le contrôle de conventionnalité est exercé au regard du second paragraphe des articles 8 à 11 de la Convention et de l’article 3 du Protocole n° 1. Dans le cas contraire, la Cour privilégie les droits et libertés fondamentaux et sanctionne les mesures prises au niveau interne dans le but de sauvegarder la démocratie et les institutions démocratiques.
[1] Docteur en droit et juriste à la Cour européenne des droits de l’homme. Les opinions exprimées dans le présent article sont propres à l’auteur et n’engagent pas l’institution à laquelle il appartient.
[2] Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie, 30 janvier 1998, n° 19392/92, § 45.
[3] Andras Sajo, « Militant democracy and transition towards democracy », in Militant democracy, Andras Sajo (éd), Eleven International Publishing, Utrecht, 2004, pp. 209-230, spéc. p. 209.
[4] Karl Loewenstein, « Militant Democracy and Fundemental Rights (I) », American Political Science Review, 1937, vol. 31, n° 3, pp. 417-432; « Militant Democracy and Fundemental Rights (II) », American Political Science Review, 1937, vol. 31, n° 4, pp. 638-658, articles publiés également in Andras Sajo (éd.), Militant Democracy, op.cit., pp. 231-262. Voir également Karl Loewenstein, « Legislative Control of Political Extremism in European Democracies », Columbia Law Review, 1938, p. 591, cité par Paul Harvey, « Militant Democracy and European Convention on Human Rights », European Law Review, 2004, pp. 407-420, spéc. p. 407 et par Rory O’Connell, « Militant Democracy and Human Rights Principles », Constitutional Law Review, November 2009, n° 1, pp. 84-90, spéc. p. 84.
[5] Pour reprendre les termes de M. Le Mire, « ni les déclarations américaines, ni les déclarations françaises ni les constitutions européennes du XIXe siècle ne contenaient de dispositions traduisant une telle approche » (Pierre Le Mire, « Article 17 », in La Convention européenne des droits de l’homme. Commentaire article par article, sous la dir. de Louis-Edmond Pettiti, Emmanuel Decaux et Pierre-Henri Imbert, Paris, Economica, 1999, pp. 509-522, spéc. p. 509).
[6] Termes que la Cour utilise pour désigner la notion de démocratie militante (Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Vogt c. Allemagne, 26 septembre 1995, n° 17851/91, § 51 ; Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Ždanoka c. Lettonie, 16 mars 2006, n° 58278/00, § 100, et Cour eur. dr. h., arrêt Adamsons c. Lettonie, 24 juin 2008, n° 3669/03, § 120). La Commission a, quant à elle, mentionné les termes « démocratie apte à se défendre » dans sa décision Reisz c. Allemagne (20 octobre 1997, n° 32013/97).
[7] L’article 9 § 2 de la Constitution allemande interdit les associations, dont les buts ou les activités sont dirigés contre l’ordre constitutionnel de l’Etat. Par ailleurs, l’article 18 de la Constitution prévoit la déchéance des droits et libertés fondamentaux pour toute personne qui en abuse pour combattre l’ordre constitutionnel libéral et démocratique. En outre, l’article 21 § 2 permet à la Cour constitutionnelle de déclarer inconstitutionnels les partis politiques qui « tendent à porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale d’Allemagne ».
[8] Pour la théorie de la démocratie militante dans les systèmes constitutionnels de l’Autriche, du Royaume-Uni, de la France, de l’Espagne, de l’Italie, de la Hongrie et de la Turquie, voir Markus Thiel (éd.), The « Militant Democracy » Principle in Moderne Democracies, Ashgate Publishing Limited, Surrey, 2009.
[9] Alphonse Spielmann, « L’abus de droit et les concepts équivalents : principe et applications actuelles », Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1990, pp. 58-77, spéc. p. 76.
[10] Sébastien Van Drooghenbroeck, « L’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme est-il indispensable ? », Rev. trim.dr. h., 2001, pp. 541-566, spéc. p. 541.
[14] D’ailleurs, une disposition similaire à l’article 30 de la Déclaration universelle des droits de l’homme a été adoptée, à savoir l’article 17 de la Convention qui en est largement inspiré. Par ailleurs, une disposition quasi identique se trouve dans l’article 5 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et dans l’article 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
[18] L’opinion concordante de M. le juge Jambrek dans l’arrêt Lehideux et Isorni c. France (Gde Ch., 23 septembre 1998, n° 24662/94).
[23] Comm. eur. dr. h., décision Parti communiste d’Allemagne c. République fédérale d’Allemagne, 20 juillet 1957, n° 250/57.
[25] Ibidem, p. 192. L’ancienne Commission a affirmé par ailleurs dans l’affaire De Becker c. Belgique ce qui suit : « une personne ne saurait être privée à jamais, en vertu de l’article 17, de ses droits et libertés du seul fait qu’à un moment déterminé elle a manifesté des convictions totalitaires et agi en conséquence » (Voir Comm. eur. dr. h., rapport De Becker c. Belgique, 22 janvier 1960, n° 214/56, § 279).
[29] Voir, parmi d’autres, Cour eur. dr. h., décision Witzsch c. Allemagne, 13 décembre 2005, n° 7485/03.
[31] Comm. eur. dr. h., décision Glimmerveen et Hagenbeek c. Pays-Bas, 11 octobre 1979, n° 8348/78 et n° 8406/78.
[32] Contrairement à l’article 14 de la Convention (pour l’arrêt de principe, voir Affaire relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique c. Belgique (au principal), 23 juillet 1968, n° 1474/62, n° 1691/62, n° 1677/62, n° 1769/63, n° 1994/63 et n° 2126/64, § 10), l’article 1er du Protocole n° 12 interdit de manière générale toute discrimination, y compris la discrimination raciale, sans justification objective et raisonnable. Pour la première application de l’article 1 du Protocole n° 12 dans la jurisprudence de la Cour, voir Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Sejdić et Jakob Finci c. Bosnie-Herzégovine, 22 décembre 2009, n° 27996/06 et n°34836/06, §§ 53-56).
[33] Gérard Cohen-Jonathan, « Le droit de l’homme à la non-discrimination raciale », Rev. Trim. dr. h., 2001, pp. 665-688, spéc. pp. 670-671.
[35] Voir Comm. eur. dr. h., décision East African Asians c. Royaume-Uni, 14 décembre 1973, n° 4403/70-4419/70, n° 4422/70, n° 4423/70, n° 4434/70, n° 4443/70, n° 4476/70-4478/70, n° 4486/70, n° 4501/70, et n° 4526/70- n° 4530/70 ; Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Chypre c. Turquie, 10 mai 2001, n° 25781/94, §§ 306-311 ; Cour eur. dr. h., arrêt Moldovan et autres c. Roumanie (n° 2), 12 juillet 2005, n° 41138/98 et n° 64320/01, §§ 111-114.
[36] Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Natchova et autres c. Bulgarie, 6 juillet 2005, n° 43577/98 et n° 43579/98, § 145.
[38] Cour eur. dr. h., arrêt Timichev c. Russie, 13 décembre 2005, n° 55762/00 et n° 55974/00, § 58.
[40] Régis De Gouttes, « A propos du conflit entre le droit à la liberté d’expression et le droit à la protection contre le racisme », in Mélanges en hommage à Louis Edmond Pettiti, Bruxelles, Bruylant, 1998, pp. 251-265, spéc. p. 260.
[41] Voir l’avis de la Commission dans l’arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres (précité, § 23).
[47] Sans appliquer l’article 17 de la Convention, la Cour souligne, dans l’affaire Soulas c. France (10 juillet 2008, n° 15948/03), que la restriction des propos ayant pour objet de provoquer chez le lecteur un sentiment de rejet et d’antagonisme à l’égard de la minorité immigrante et musulmane est justifiée au regard de l’article 10 de la Convention.
[49] Guy Haarscher, « Les périls de la démocratie militante », Rev. trim. dr. h., 2010, pp. 445-466, spéc. p. 454.
[56] Ces derniers temps, la Cour justifie la non-application de l’article 17. En effet, dans l’affaire Vajnai c. Hongrie, elle affirme qu’il ne ressort pas du dossier que le requérant, en portant au cours d’une manifestation légale l’étoile rouge, a exprimé du mépris à l’égard des victimes d’une dictature (Cour eur. dr. h., arrêt Vajnai c. Hongrie, 8 juillet 2008, n° 33629/06, §§ 21-26). Par ailleurs, dans l’affaire Leroy c. France, la Cour exclut l’application de l’article 17 de la Convention aux actes et activités visant à la destruction de l’impérialisme américain et faisant l’apologie du terrorisme qui ne visent pas « la négation de droits fondamentaux et n’ont pas d’égal avec des propos dirigés contre les valeurs qui sous-tendent la Convention tels que le racisme, l’antisémitisme (…) ou l’islamophobie (…) (Cour eur. dr. h., arrêt Leroy c. France, 2 octobre 2008, n° 36109/03, § 27). La même conclusion est retenue dans l’affaire Orban et autres c. France, qui concerne la publication d’un livre justifiant les actes de torture et les exécutions sommaires commis pendant la guerre d’Algérie (Cour eur. dr. h., arrêt Orban et autres c. France, 15 janvier 2009, n° 20985/05, §§ 35-36).
[57] Patrick Wachsmann, « Liberté d’expression et négationnisme », Rev. trim. dr. h., 2001, pp. 585-591, spéc. p. 585.
[58] Gérard Cohen-Jonathan, « Le droit de l’homme à la non-discrimination raciale », op.cit., p. 668.
[59] Françoise Tulkens, « Les relations entre le négationnisme et les droits de l’homme : la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », in Le droit dans une Europe en changement, Liber Amicorum Pranas Kuris, Vilnius, Mykolo Romerio universiteto Leidybos centras, 2008, pp. 425-445, spéc. p. 441.
[62] Alphonse Spielmann, « La protection des droits de l’homme : quid des droits des détenus ? », Protection des droits de l’homme : la dimension européenne, Mélanges en l’honneur de G.J. Wiarda, Köln: Heymann, 1988, pp. 589-594, spéc. p. 590.
[65] Comm. eur. dr. h., décision Nationaldemokratische Partei Deutschlands, Bezirksverband Munchen-Oberbayern c. Allemagne, 29 novembre 1995, n° 25992/94.
[66] Parfois, la réticence de la Commission est grande. En effet, il est regrettable que la Commission n’ait même pas pris en considération l’article 17 de la Convention, alors que le requérant avait qualifié de mensonge et d’escroquerie sioniste l’assassinat de millions de Juifs (Comm. eur. dr. h., décision X. Allemagne, 16 juillet 1982, n° 9235/81).
[69] Comm. eur. dr. h., décision B. H., M. W., H. P. et G. K. c. Autriche, 12 octobre 1989, n° 12774/87.
[74] Il arrive parfois que des requêtes soient déclarées irrecevables eu égard au contrôle de la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique, sans que l’article 17 soit pris en compte ou mentionné dans la décision. Les décisions T. c. Belgique (14 juillet 1983, n° 9777/82) et Association A. et H. c. Autriche (15 mars 1984, n° 9905/82) en sont des exemples.
[77] Gérard Cohen-Jonathan, « Le droit de l’homme à la non-discrimination raciale », op.cit., p. 668.
[78] Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Lehideux et Isorni, précité, §§ 47 et 53. Dans le même sens, voir également Cour eur. dr. h., arrêt Chauvy et autres c. France, 29 juin 2004, n° 64915/01, § 69.
[80] Pour des commentaires sur cette décision, voir Michel Levinet, « La fermeté bienvenue de la Cour européenne des droits de l’homme face au négationnisme, obs., sur la décision du 24 juin 2003, Garaudy c. France », Rev. trim.dr. h., 2004, pp. 653-662 et Michel Puechavy, « La liberté d’expression et le négationnisme (décision Garaudy du 24 juin 2003) », in La France et la Cour européenne des Droits de l’Homme : la jurisprudence en 2003, sous dir. de Paul Tavernier, Bruylant, Bruxelles, 2005, pp. 181-193.
[85] Patrick Wachsmann, « La jurisprudence récente de la Commission E.D.H. en matière de négationnisme », in La C.E.D.H. : Développements récents et nouveaux défis, Jean-François Flauss et Michel de Salvia (éd.), Bruxelles, Bruyland, 1997, pp. 101-112, spéc. 108.
[86] Michel Levinet, « La fermeté bienvenue de la Cour européenne des droits de l’homme face au négationnisme, obs., sur la décision du 24 juin 2003, Garaudy c. France », op.cit., p. 659.
[88] Cour eur. dr. h., arrêt Dink c. Turquie, 14 septembre 2010, n° 2668/07, n° 6102/08, n° 30079/08, n° 7072/09 et n° 7124/09, § 135.
[94] L’opinion concordante de M. le juge Jambrek dans l’arrêt Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Lehideux et Isorni, précité.
[95] Comm. eur. dr. h., décision B. H., M. W., H. P. et G. K., précitée ; Comm. eur. dr. h., décision Nachtmann, précitée.
[99] Alphonse Spielmann, « L’abus de droit et les concepts équivalents : principe et applications actuelles », op.cit., p. 65.
[102] Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Refah Partisi (Parti de la Prospérité) et autres c. Turquie, 13 février 2003, n° 41340/98, n° 41342/98, n° 41343/98 et n° 41344/98, § 102.
[104] La Cour confirme sa position sur l’incompatibilité de la charia avec la Convention dans la décision Kalifatstaat c. Allemagne (11 décembre 2006, n° 13828/04), où elle approuve la mesure d’interdiction de l’association requérante qui voulait instaurer un régime islamique mondial fondé sur la charia.
[105] Cour eur. dr. h., arrêt Jabari c. Turquie, 11 juillet 2000, n° 40035/98, §§ 38-42 ; arrêt D. et autres c. Turquie, 22 juin 2006, n° 24245/03, §§ 45-58.
[106] Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Refah Partisi (Parti de la Prospérité) et autres, précité, § 123.
[107] Patrick Macklem, « Militant Democracy, Legal Pluralism, and the Paradox of Self-Determination », International Journal of Constitutional Law, vol 4, n° 3, 2006, pp. 488-516, spéc. p. 508.
[108] Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Refah Partisi (Parti de la Prospérité) et autres, précité, §§ 98 et 99.
[109] Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres, précité ; Gde Ch., arrêt Parti socialiste et autres c. Turquie, 25 mai 1998, n° 21237/93 ; arrêt Yazar et autres c. Turquie, 9 avril 2002, n° 22723/93, n° 22724/93 et n° 22725/93 ; arrêt Parti socialiste de Turquie (STP) et autres c. Turquie, 12 novembre 2003, n° 26482/95 ; Gde Ch., arrêt Refah Partisi (Parti de la prospérité) et autres, précité ; arrêt Parti de la démocratie et de l’évolution et autres c. Turquie, 26 avril 2005, n° 39210/98 et n° 39974/98, et arrêt Emek partisi et Şenol c. Turquie, 31 mai 2005, n° 39434/98.
[110] Voir, par exemple, Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres, précité, § 60, et arrêt Parti de la démocratie et de l’évolution et autres, précité, § 137.
[115] Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Refah Partisi (Parti de la Prospérité) et autres, précité, §§ 104, 107, 108 et 110.
[117] Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Refah Partisi (Parti de la Prospérité) et autres, précité, § 102.
[118] Cour eur. dr. h., arrêt Sadak et autres c. Turquie (n° 2), 11 juin 2002, n° 25144/94, n° 26149/95 à n° 26154/95, n° 27100/95 et n° 27101/95.
[119] Voir, parmi beaucoup d’autres, Cour eur. dr. h., arrêt Dicle pour le Parti de la Démocratie (DEP) c. Turquie, 10 décembre 2002, n° 25141/94.
[120] Cour eur. dr. h., arrêt Partidul Comunistilor (Nepeceristi) et Ungureanu c. Roumanie, 3 février 2005, n° 46626/99.
[122] Voir, par exemple, Cour eur. dr. h., décision Gündüz c. Turquie, 13 novembre 2003, n° 58745/00.
[123] Cour eur. dr. h., arrêt Association de citoyens « Radko » et Paunkovski c. Ex-République yougoslave de Macédoine, 15 janvier 2009, n° 74651/01.
[126] Cour eur. dr. h., arrêt Batasuna et Herri Batasuna c. Espagne, 30 juin 2009, n° 25803/04 et n° 25817/04, §§ 20-45.
[132] Cour eur. dr. h., arrêt Batasuna et Herri Batasuna, précité, §§ 85-93. Voir également Cour eur. dr. h., arrêt Partidul Comunistilor (Nepeceristi) et Ungureanu, précité, § 48.
[139] Jean-François Flauss, « L’abus de droit dans le cadre de la Convention européenne des droits de l’homme », Rev. univ. dr. h., 1992, pp. 461-468, spéc. p. 464.
[141] D’ailleurs, il n’est pas sans intérêt de mentionner que l’application de l’article 17 de la Convention dans la décision relative à la dissolution du Parti communiste d’Allemagne a conduit la Cour constitutionnelle turque à dissoudre certains partis politiques d’extrême gauche (Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Parti socialiste et autres, précité, § 15) pro-kurdes (Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Parti de la liberté et de la démocratie (ÖZDEP) c. Turquie, 8 décembre 1999, n° 23885/94, § 14) et islamistes (Cour eur. dr. h., décision Fazilet Partisi (parti de la vertu) et Kutan c. Turquie, 30 juin 2005, n° 1444/02).